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Текущий корабль:
[LOSP] Rikki Bongare [SN-18K]
(Krait MkII)
 
Дата регистрации:
13 сент. 2017 г.
 
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Les joies du Tip Off

A force d'enchaîner les contrats pour la Ligue, on finit par entendre des rumeurs qui, d'habitude, ne circulent que dans des cercles très initiés. Votre serviteur et narrateur étant un fieffé margoulin, j'étais on ne peut plus heureux d'apprendre la localisation d'un vaisseau écrasé. Une épave, dans notre monde, ça veut dire une chose : profit. Et moi, quand il y a profit, je ramène toujours ma bonne poire, quitte à m'attirer de sérieux ennuis. Déformation professionnelle, je crois.

J'ai donc prévenu Mme Bennett, par le biais d'un de ses affidés, que je ne serai pas disponible pour ses projets d'expansion, ne serait-ce que pour une journée. La politique de la Ligue passionne, mais je l'observe toujours d'un oeil mi-circonspect, mi-amusé. Enfin quand j'observe, car je suis bien souvent au charbon pour la gloire et la grandeur de notre syndicat.

Bref, je me suis rendu au lieu-dit, dans le système répondant au doux nom de Col 285 Sector IH-T b17-2. Système que, pour plus de commodité, j'appellerai désormais "trou du cul de l'univers le plus proche en partant de la bulle." Me rendant compte que ce nom à rallonge est tout aussi imbitable que son nom classique, je me contenterai donc de le désigner sous le vocable de "trou paumé", ce qui me permettra de moucher mes détracteurs, qui me tiennent trop souvent pour un personnage des plus grossiers. D'ailleurs, ces gens-là, je leur prouve toujours qu'ils ont tort. A grand coup de poings dans les dents.

C'est la première planète du trou paumé qui m'intéressait. Je dois avouer que sans le tuyau généreusement transmis, jamais je ne m'y serai attardé. Même mon détecteur de découverte aurait refusé de perdre de son énergie pour scanner un astre aussi terriblement dépourvu de richesses. Que se passe-t-il lorsqu'un vulgaire caillou se trouve dans un trou paumé non loin de la riche bulle humaine ? Des contrebandiers s'installent, inévitablement. Et pour sûr, question vermine de bas étage, j'ai été servi.

J'avais des coordonnées précises, mais j'ai préféré entamer une approche tout en douceur, histoire de repérer un peu les lieux. Du moins, c'est la version que je sortirai quand viendra le temps de raconter mon anecdote, chope à la main et la taille d'une belle donzelle dans l'autre. Car en vérité, chers amis, j'ai merdouillé comme jamais pour trouver mon chemin. Vous ne trouvez pas ça étrange d'ailleurs ? Nous sommes capables de renifler le cul d'un compère d'escadrille à 100,000sl à la ronde, nous analysons en un clin d'oeil des astres gigantesques, mais nous ne sommes pas foutus de placer un point sur une planète via des coordonnées pré-enregistrées. Tu parles d'une technologie de pointe pourtant !

Néanmoins, la chance m'a souri. Enfin au premier abord, parce que c'est vite devenu plus coton, et pas du genre tout doux, tout moletonné. Mon scanner a attrapé la rougeole, des dizaines de points d'intérêts apparaissants à seulement quelques kilomètres de distance les uns des autres. Je me suis donc rapidement posé pour les inspecter. Et je vous le donne en mille : j'étais tombé pile poil sur les cachettes de nos chers contrebandiers, vaguement protégées par des sentinelles un peu trop bon marché pour la mitrailleuse de mon VRS. Un beau butin, si vous voulez mon avis : du palladium et de l'or en veux-tu, en voilà ; carbure de silicium, jadéite, platine... plus besoin de miner ! Et par dessus ce petit gâteau, voilà qu'ils m'ont rajouté des régulateurs structurels, saupoudrés de réactifs synthétiques. Notez que ces rustres ont des manières, puisqu'à ma grande joie, j'ai trouvé une cargaison de liqueur très à mon goût...

J'ai un peu tiqué lorsque je suis tombé sur des containers d'agent neurotoxique. N'écoutant que ma conscience – ce qui est toujours une très mauvaise idée – je me suis empressé de les embarquer dans la soute de mon Orca. Dès fois que je débusque un tricheur à ma prochaine partie de blackjack, j'aurai de quoi lui rendre sa mise. Au centuple.

Comme toujours dans ces cas-là, c'est dans les moments ou tu te crois le plus peinard qu'on te chie sur la verrière. Une bien belle merde, gratinée avec ça. Les pirates mentionnés un peu plus haut ont du me repérer et ont décidé de se payer une bonne tranche de rigolade. Je les comprends, quand tu t'approches d'un Orca uniquement équipé d'une défense ponctuelle, il y a de quoi se marrer. N'étant clairement pas en mesure d'affronter ces jean-foutre de gagne-petits, je me suis contenté de leur rôtir la carrosserie d'un grand coup de boost. Quand un Orca te met six cent mètres par seconde dans la vue, c'est pas avec deux merdouilles de classe riquiqui que tu pourras le rattraper.

Ô joie de la fuite, je prenais la direction exacte de ma destination initiale. Après un coup d'oeil sur mes scanners pour m'assurer que mes poursuivants avaient lâché l'affaire, j'ai de nouveau atterri dans le but de retrouver cette fameuse épave. Après une longue traversée en VRS, qui m'a permis de faire le plein de sélénium au passage, je me suis retrouvé devant la carcasse. Visiblement, le compère s'était fait descendre. Pas moyen d'expliquer autrement un tel atterrissage foireux, surtout par une gravité aussi faible... Un message était toujours facilement analysable : "S.O.S. ! Attention, cargaison dangereuse à bord ! Protocoles d'atterrissage d'urgence activés. Ceci est un appel de détresse ! Je répète, S.O.S. !"

En bon détective, perspicace et tout, je me suis douté que feu le pilote de ce tas de ferraille avait du croiser les loukoums qui m'avaient pris en chasse. Avec moins de chance, de talent et de réussite que moi-même. Je soupçonne les contrebandiers d'avoir récupéré la cargaison, probablement les agents neurotoxiques. A mon arrivée, il ne restait plus que du thé et de la ferraille, et même pas de bonne qualité avec ça. Tu parles d'un tuyau !

A contempler la faillite d'un autre, on peut vite attraper le bourdon. Je décidais donc de me carapater au plus vite, des fois que les coquins aient retrouvé ma trace... direction le territoire de la Ligue, avec une cargaison pas dégueulasse et quelques informations glanées. Quant à l'agent neurotoxique, je le vois bien distillé dans le circuit d'aération de la piaule de l'imbécile qui m'a refilé ce tip off moisi. Ouais, ça a de la gueule.A force d'enchaîner les contrats pour la Ligue, on finit par entendre des rumeurs qui, d'habitude, ne circulent que dans des cercles très initiés. Votre serviteur et narrateur étant un fieffé margoulin, j'étais on ne peut plus heureux d'apprendre la localisation d'un vaisseau écrasé. Une épave, dans notre monde, ça veut dire une chose : profit. Et moi, quand il y a profit, je ramène toujours ma bonne poire, quitte à m'attirer de sérieux ennuis. Déformation professionnelle, je crois.

J'ai donc prévenu Mme Bennett, par le biais d'un de ses affidés, que je ne serai pas disponible pour ses projets d'expansion, ne serait-ce que pour une journée. La politique de la Ligue passionne, mais je l'observe toujours d'un oeil mi-circonspect, mi-amusé. Enfin quand j'observe, car je suis bien souvent au charbon pour la gloire et la grandeur de notre syndicat.

Bref, je me suis rendu au lieu-dit, dans le système répondant au doux nom de Col 285 Sector IH-T b17-2. Système que, pour plus de commodité, j'appellerai désormais "trou du cul de l'univers le plus proche en partant de la bulle." Me rendant compte que ce nom à rallonge est tout aussi imbitable que son nom classique, je me contenterai donc de le désigner sous le vocable de "trou paumé", ce qui me permettra de moucher mes détracteurs, qui me tiennent trop souvent pour un personnage des plus grossiers. D'ailleurs, ces gens-là, je leur prouve toujours qu'ils ont tort. A grand coup de poings dans les dents.

C'est la première planète du trou paumé qui m'intéressait. Je dois avouer que sans le tuyau généreusement transmis, jamais je ne m'y serai attardé. Même mon détecteur de découverte aurait refusé de perdre de son énergie pour scanner un astre aussi terriblement dépourvu de richesses. Que se passe-t-il lorsqu'un vulgaire caillou se trouve dans un trou paumé non loin de la riche bulle humaine ? Des contrebandiers s'installent, inévitablement. Et pour sûr, question vermine de bas étage, j'ai été servi.

J'avais des coordonnées précises, mais j'ai préféré entamer une approche tout en douceur, histoire de repérer un peu les lieux. Du moins, c'est la version que je sortirai quand viendra le temps de raconter mon anecdote, chope à la main et la taille d'une belle donzelle dans l'autre. Car en vérité, chers amis, j'ai merdouillé comme jamais pour trouver mon chemin. Vous ne trouvez pas ça étrange d'ailleurs ? Nous sommes capables de renifler le cul d'un compère d'escadrille à 100,000sl à la ronde, nous analysons en un clin d'oeil des astres gigantesques, mais nous ne sommes pas foutus de placer un point sur une planète via des coordonnées pré-enregistrées. Tu parles d'une technologie de pointe pourtant !

Néanmoins, la chance m'a souri. Enfin au premier abord, parce que c'est vite devenu plus coton, et pas du genre tout doux, tout moletonné. Mon scanner a attrapé la rougeole, des dizaines de points d'intérêts apparaissants à seulement quelques kilomètres de distance les uns des autres. Je me suis donc rapidement posé pour les inspecter. Et je vous le donne en mille : j'étais tombé pile poil sur les cachettes de nos chers contrebandiers, vaguement protégées par des sentinelles un peu trop bon marché pour la mitrailleuse de mon VRS. Un beau butin, si vous voulez mon avis : du palladium et de l'or en veux-tu, en voilà ; carbure de silicium, jadéite, platine... plus besoin de miner ! Et par dessus ce petit gâteau, voilà qu'ils m'ont rajouté des régulateurs structurels, saupoudrés de réactifs synthétiques. Notez que ces rustres ont des manières, puisqu'à ma grande joie, j'ai trouvé une cargaison de liqueur très à mon goût...

J'ai un peu tiqué lorsque je suis tombé sur des containers d'agent neurotoxique. N'écoutant que ma conscience – ce qui est toujours une très mauvaise idée – je me suis empressé de les embarquer dans la soute de mon Orca. Dès fois que je débusque un tricheur à ma prochaine partie de blackjack, j'aurai de quoi lui rendre sa mise. Au centuple.

Comme toujours dans ces cas-là, c'est dans les moments ou tu te crois le plus peinard qu'on te chie sur la verrière. Une bien belle merde, gratinée avec ça. Les pirates mentionnés un peu plus haut ont du me repérer et ont décidé de se payer une bonne tranche de rigolade. Je les comprends, quand tu t'approches d'un Orca uniquement équipé d'une défense ponctuelle, il y a de quoi se marrer. N'étant clairement pas en mesure d'affronter ces jean-foutre de gagne-petits, je me suis contenté de leur rôtir la carrosserie d'un grand coup de boost. Quand un Orca te met six cent mètres par seconde dans la vue, c'est pas avec deux merdouilles de classe riquiqui que tu pourras le rattraper.

Ô joie de la fuite, je prenais la direction exacte de ma destination initiale. Après un coup d'oeil sur mes scanners pour m'assurer que mes poursuivants avaient lâché l'affaire, j'ai de nouveau atterri dans le but de retrouver cette fameuse épave. Après une longue traversée en VRS, qui m'a permis de faire le plein de sélénium au passage, je me suis retrouvé devant la carcasse. Visiblement, le compère s'était fait descendre. Pas moyen d'expliquer autrement un tel atterrissage foireux, surtout par une gravité aussi faible... Un message était toujours facilement analysable : "S.O.S. ! Attention, cargaison dangereuse à bord ! Protocoles d'atterrissage d'urgence activés. Ceci est un appel de détresse ! Je répète, S.O.S. !"

En bon détective, perspicace et tout, je me suis douté que feu le pilote de ce tas de ferraille avait du croiser les loukoums qui m'avaient pris en chasse. Avec moins de chance, de talent et de réussite que moi-même. Je soupçonne les contrebandiers d'avoir récupéré la cargaison, probablement les agents neurotoxiques. A mon arrivée, il ne restait plus que du thé et de la ferraille, et même pas de bonne qualité avec ça. Tu parles d'un tuyau !

A contempler la faillite d'un autre, on peut vite attraper le bourdon. Je décidais donc de me carapater au plus vite, des fois que les coquins aient retrouvé ma trace... direction le territoire de la Ligue, avec une cargaison pas dégueulasse et quelques informations glanées. Quant à l'agent neurotoxique, je le vois bien distillé dans le circuit d'aération de la piaule de l'imbécile qui m'a refilé ce tip off moisi. Ouais, ça a de la gueule.

Echecs

Le guide de l'exploration galactique comprenait une section entière dédiée aux trucs et astuces pour éviter de sombrer dans la folie lors d'une longue expédition. Un chapitre bienvenu, car question dérangement, j'en sentais déjà les prémisses : la mélancolie s'emparant de moi plus que de coutume.

Il faut dire que le compteur affichait plus de cinquante mille années-lumière, une valeur plus si éloignée d'une traversée de part en part de notre galaxie. J'étais d'ailleurs sur le chemin du retour. Nulle avarie inquiétante ni délitement de la coque de mon ASP en cause, simplement la certitude d'une lente mais inéluctable emprise de la maladie de l'explorateur solitaire sur ma psyché.

Je n'étais pas aidé par le système de communication standardisé. Quoique d'une efficacité remarquable, il avait comme atout et inconvénient majeur d'être stimulé et amplifié par les relais situés à l'intérieur des vaisseaux. Concrètement, il était possible d'envoyer et recevoir des signaux avec un décalage infime et sur des dizaines d'années-lumière, tant qu'un satellite, une base ou un autre pilote se trouvait sur la trajectoire des ondes. C'est ce qui permettait l'efficacité du Galnet, par exemple, à l'échelle de la bulle humaine. Mais si, comme moi, vous poussiez l'écart à des niveaux tout à fait déraisonnables... vous perdiez par la même occasion toute interaction avec d'autres êtres humains. Et bien que je passe mon temps à maudire mes semblables, j'étais forcé de leur reconnaître que la présence – même horripilante – d'autrui était nécessaire au bon fonctionnement de ma santé mentale. C'est ce qui faisait de l'exploration en solitaire une activité toujours aussi dangereuse, malgré la montée en gamme des modules et des vaisseaux dédiés.

Pour contrer la progression pas si insidieuse de l'aliénation, j'ai du développer certaines techniques et me conformer à des « rituels » pour borner et rythmer mon existence à bord du Ann Bancroft, mon fidèle ASP Explorer. Ainsi, je séquençais mes activités pour simuler une alternance entre un rythme diurne et nocturne, aussi risible que cela soit lorsque vous êtes confinés dans une coque de noix parcourant l'immensité de l'espace. De même, je me forçais à entretenir des conversations. Au début du voyage, c'était avec mon IA que j'échangeais. Bien que plus intelligente qu'un certain nombre de mes congénères, j'en étais arrivé il y a quelques semaines à me parler à moi-même. Cela avait l'avantage de me permettre de participer à des débats plus variés qu'avec mon ordinateur de bord, mais aussi l'indéniable inconvénient de supporter deux fois ma propre présence, ce qui ne m'était pas facile.

Il y avait d'autres moyens pour entretenir une certaine forme de stimulation mentale. La lecture et le visionnage d'holo-bandes en tête de liste. Et pour freiner la décrépitude physique, je m'obligeais à de longues séances de réparation sur des modules qui n'en avaient que peu besoin, tout en m'efforçant de passer ne serait-ce qu'une heure par jour dans un petit cagibi de mon vaisseau, que j'avais aménagé pour le transformer en caisson à gravité, permettant à mes muscles déclinants un semblant d'exercice physique.

J'étais bien entendu coupé de tout lien avec ma propre entreprise, ainsi qu'avec la Ligue. Je me plaisais tout de même à imaginer de nombreux scénarii, lorsque je disputais face à l'intelligence artificielle des parties du jeu d'échecs, une activité humaine pluri-millénaire. J'avais par exemple noté d'étranges similitudes entre l'organisation de ce jeu et les organisations humaines en vigueur, comme la L.O.S.P.

La pièce la plus présente sur une damier holographique était incontestablement le pion. On se le représentait parfois, à tort, comme étant un outil subalterne. A mon sens, cette pièce avait une double représentation. Elle était à la fois la personnification d'agents ponctuels de la L.O.S.P, du mercenaire engagé pour un contrat à la sénatrice corrompue qui influerait sur un vote décisif. Mais le pion représentait également une idée : celle d'une action intentée par le camp tout entier. Ce n'était pas pour rien que l'expression « avancer un pion » était encore en usage dans la zone galactique influencée par la quasi-défunte langue franglaise, fleuron de la littérature proto-galactique. Cela signifiait qu'un camp intentait une action, forçant l'adversaire à la réaction.

La Ligue en elle-même pouvait être représentée par le Roi, la pièce maîtresse qui nécessitait d'être défendue à tout prix. Qui de mieux placée que la Dame Annalisa Bennet pour cette tâche ? Elle avait les moyens et les capacités de projeter son influence sur une partie non négligeable de l'échiquier galactique, ce qui la rendait extrêmement précieuse. Elle n'était qu'un pion de l'organisation au départ, mais avait su progresser jusqu'à devenir le symbôle et le pendant du Roi-Ligue.

Elle était aidée en cela par la Tour, qui était l'image de notre puissance commerciale. Notre capacité à inonder ou assécher un marché, mais également la force de notre flotte permettait une gamme d'actions économiques très efficaces : du blocus agressif au rachat pernicieux d'un concurrent galactique, en passant par l'amélioration concrète de l'ordinaire des citoyens et citoyennes d'une périphérie humaine délaissée par les grandes puissances.

Ce qui n'empêchait pas la Ligue de déchaîner sa puissance à travers son noble Cavalier.

Fleuron de la L.O.S.P., la division combattante était redoutable et redoutée de ses adversaires. Elle constituait l'ossature historique de l'organisation ainsi que son meilleur atout pour défendre – ou étendre – ses intérêts. Sa capacité de déplacement lui permettait de se projeter efficacement à la rencontre de l'ennemi, ou se replier avec brio pour assurer une défense acharnée. Vif et puissant, cette pièce difficile à utiliser n'avait que peu d'équivalents à l'échelle des autres organisations galactiques.

Ne restait donc, inévitablement, que le Fou. Moi-même, et d'autres explorateurs et exploratrices. Pièce fragile, indubitablement, mais ô combien précieuse lorsqu'il s'agit de tracer toujours plus loin la ligne d'horizon de l'organisation. La capacité de déplacement et d'endurance du fou est sans égale. Il se place souvent au plus loin du Roi-Ligue, mais c'est pour mieux le protéger et permettre à la L.O.S.P. De prendre le temps, le temps de maintenir son avance et le temps de s'organiser pour la perpétuer. Ce qui ne l'empêche pas de revenir apporter un bénéfice défensif non négligeable.

Ce jeu des échecs me rassurait, car même coincé dans ma carlingue au fin fond l'espace et n'ayant aucune idée de la disposition des pièces sur le damier à l'heure actuelle, je savais que chacune des pièces tenait son rôle avec brio. Je poussais un soupir puis détachais la ceinture de ma chaise vissée au sol, avant d'enfourner mes pieds dans mes chaussons plombés – mais fourrés. Je devais vérifier les calculs du prochain de mes quatre cent dix-sept sauts jusqu'à Jitabos.

DSN Luxury Tour - 28 octobre 3303

« C'est un tout petit peu plus important qu'une balade touristique, commandant. » Elle se servit un verre. « Vous en voulez ? Ah non, vous pilotez ».

« Vous avez raison. J'ai entendu que les contrôles de police étaient légion dans ce secteur. »

« Juste une coupe commandant. Je vous veux apte à entendre un long sermon sur votre incurable manque de vision à long terme. »

« Le dictaphone est une vieille invention madame, fabuleuse pour quiconque aime s'entendre parler. »

C'est bien beau d'échanger des politesses, mais j'en oublie les présentations d'usage. Mon acolyte pleine de verve et de fiel appartient à la Fédération. Gloria Makenze de son prénom... une subalterne, mais du haut de ses cinquante ans elle me considère avec toute la morgue d'une petite fille à papa. Ce qu'elle était, en l'occurence, puisque feu son père fut l'un des généraux les plus en vue de la superpuissance.

Si sa gamine semble avoir l'intelligence tactique d'un palmipède dans le désert, elle a cependant des neurones bien huilés puisqu'elle fait partie de la divison Prospective de la Fédération. Ce n'était pas une branche militaire à proprement parler. La division Prospective était issue d'une sous-section du très puissant renseignement et contre-espionnage économique de la Fédération. A son origine, le but était d'infiltrer ou recruter des individus dans des secteurs économiques naissants ou en devenir.

De nos jours, la sous-section est devenue un service de renseignement à part entière, qui s'est lui même diversifié. Au-delà de la prospective économique, c'est tout un tas de paramètres géopolitiques, sociaux et environnementaux sur lesquels cette division tente d'influer. Gloria Makenze, fille de général, était envoyée sur une mission à haut risque : se faire passer pour une milliardaire dans un Orca de luxe. Il manquait un pilote. Fidèle à sa réputation, la Fédération a d'abord auditionné un paquet de cadets bien propres sur eux et dévoués comme pas possible. Néanmoins, devant tant d'innocence, l'état-major a du se résoudre à abaisser quelque peu certains critères pour grandement gagner en efficacité sur d'autres.

C'est ainsi qu'a commencé la deuxième vague d'auditions. Dans un cadre serein et chaleureux, puisque j'ai été convié dans une cellule grise et presque nue et partager quelques moments de bonheur avec un lieutenant de la sureté intérieure et deux colosses – apparemment humains – à ses côtés. C'est ainsi que, dégustant un excellent verre d'eau recyclée, j'ai eu l'immense joie de me voir remettre un dossier contenant toutes mes exactions passibles de plusieurs condamnations à mort. Quoique toujours épais, le dossier avait déjà bien diminué grâce à ma fructueuse collaboration avec la Fédération, comme me le rappelait mon interlocuteur. Il me proposait donc de continuer dans la même veine et en me suggérant une mission. Conscient de mes possibilités de négociation, j'acceptais sur le champ.

Voilà pour le contexte. Revenons maintenant à cette agréable conversation. « Vous ne saisissez pas tout le tableau commandant. Cette expédition est différente des autres. Il s'agit d'une expédition de luxe, massive, en-dehors de la bulle humaine, avec de nombreuses escales. Nous ne sommes pas à bord d'un ASP, seuls dans la galaxie, avec une une coque de plus en plus fine qui nous sépare de l'immensité de l'espace. Nous convoyons des tonnes de spiritueux et de mets fins. Notre escorte est minime, ce qui en terme militaire signifie totalement insuffisante. Pour faire court, je pense que nous faisons preuve d'arrogance. »

« Eh bien... si je m'attendais à une telle phrase de la part d'une fédérée... »

« Non, vous vous méprenez ! C'est une excellente chose, que cette démonstration d'arrogance. Cette expédition est la preuve que nous maitrisons suffisament l'espace proche autour de notre bulle humaine, mais aussi que nous désirons l'agrandir. Enfin, que nous en avons les capacités. »

« Je cerne votre rôle Gloria, du moins le plus important. Vous êtes là pour les relations humaines. A chacun de nos points de passage, à chacune des agapes, vous déversez votre baratin mielleux sur un ponte pour l'inciter à aller dans l'intérêt de la Fédération. »

« Dans l'intérêt de l'humanité ! »

« Si vous voulez... »

« Ecoutez. Je suis persuadée – et je ne suis pas la seule – qu'il nous faut rapidement consolider des... avant-postes d'humanité, en dehors de la bulle. Colonia en est un exemple, et je rêve de la voir rejoindre les rangs de la Fédération... ne rigolez pas commandant ! Merci bien ! Oubliez Colonia, restez concentrés sur l'idée principale. Que vous inspire-t-elle ? » « Cela tombe sous le sens, je ne me ferai pas l'avocat du Diable là-dessus.Je crois que c'est Edmund Mahon qui a déclaré : 'on ne met pas tous ses systèmes dans le même secteur', et je trouve qu'il a parfaitement raison sur ce point. Adapté à l'espèce humaine, et vue du point de vue de la carte galactique, il est urgent de trouver de nouveaux lieux de départs d'expansion, j'en conviens. »

« Bien. Au moins n'êtes vous pas rétrograde à ce sujet. Chacune des personnes présentes dans ces cabines de luxe représente un énorme potentiel d'investissement. Le genre de potentiel suffisant pour développer des stations orbitales, et que sais-je encore ! Mon rôle est de leur faire miroiter ce rêve et flatter leur ego par la même occasion. Qui n'aimerait pas avoir une station à son nom ? »

« C'est tentant. Mais nous arrivons à votre autre rôle je présume... et j'ai déjà ma petite idée. »

« Surprenez-moi, commandant. »

« Si je vous dis Thargoïds ? Oui ! Pupille dilatée une fraction de seconde, c'est parfait, je me rapproche. »

« Je ne tournerai pas autour du pot, j'allais aborder la question avec vous. En effet, à la division Prospective, nous prenons la menace – j'insiste sur le mot – thargoïd au sérieux. A vrai dire... nous prenons toutes les menaces non-humaines au sérieux. »

« Qu'est-ce que vous voulez dire ? »

Gloria se ressert et un verre et pour la toute première fois du voyage, je lui découvre une mine sombre. Pendant ce bref instant, je n'ai plus un agent en mission parfaitement entraînée à tenir son rôle, mais un aspect de l'être humain qu'il y a derrière. Et cet être humain est, au mieux, maussade.

« Vous vous doutez que nous nous écharpons au sein même de notre service pour déterminer une attitude franche... la vérité, c'est que nous en savons encore trop peu sur les Thargoïds. Néanmoins, nous estimons très probable une attaque de la bulle humaine avec des conséquences dévastatrices. D'où l'intérêt de développer de nouvelles zones galactiques au plus vite... mais là encore, lesquelles ? Comment échapper aux Thargoïds, si jamais la guerre tournait si mal ? Et je ne vous parle pas des Gardiens... »

«Ou l'alcool est un terrible fléau, ou vous avez une explication à vos propos. »

« Je fais partie des quelques personnes qui travaillent sur l'hyphothèse d'une... survivance des Gardiens. Et sur l'idée que cette poche qui aurait pu permettre le maintien de leur espèce soit... dans notre propre galaxie. A vrai dire commandant, j'aimerai beaucoup qu'une de nos étapes se fasse sur l'un de leurs sites. Est-ce que ce serait possible ?»

« Gloria, malgré mon titre ronflant, je ne suis qu'un type aux mains de la Fédération. Je vais envoyer un message aux autres membres de l'expédition, peut-être que quelqu'un aura des coordonnées à nous fournir. »

Et là encore, pour un court instant, j'ai un aperçu de l'être humain en face de moi. Cet être humain se sent mieux.

Sak Kina – Potagos Settlement / 12 Octobre 3303

J'ai rencontré un certain nombre de personnes dans ma vie qui m'ont suggéré de « voir les choses différement » ou encore de « renverser ma vision du monde », pour les plus philosophiques d'entre elles. Bien que contre mon gré, j'ai pu expérimenter un tel renversement des sens puisque j'étais actuellement pendu par les pieds à un bras robotique dans la zone de tri des déchets de Potagos. Une situation déplaisante de plus pour cette longue, longue semaine de merde. Il me fallait réfléchir, mais tout ce qui me venait à l'esprit était qu'au lieu de voir les tâches sur le sol, j'avais maintenant une fascinante perspective sur les tâches du plafond. Est-ce que quelqu'un pense jamais à nettoyer ces tâches ? Est-ce que nettoyer une décharge a un quelconque intérêt ? Légèrement plus important... comment sortir de ce guépier ?

« Commandant Snarkk, quelle joie de vous revoir parmi nous ! » Oh non, pas elle.

« Je me suis longtemps demandé où vous étiez passé commandant... quel bonne idée vous avez eu de revenir. » La momie qui s'adresse à moi de la sorte s'appelle Liza Fenstein. C'est elle qui dirige le Sak Kina Blue Hand Gang. Mais remontons un petit peu en arrière...

Premier coup de bobine : si je produis actuellement une superbe imitation de la chauve-souris, c'est parce que j'ai eu une mauvaise idée. D'habitude, je trouve que ce sont les autres qui ont indéniablement des idées à la con. Mais là, c'était mon tour. J'ai pensé qu'en guise de cavale, le mieux pour moi serait de revenir sur mes traces, loin de toute présence policière. En un lieu ou même un chasseur de primes y réfléchit à deux fois avant d'y avancer le bout de son fuselage. Ce lieu, c'est Sak Kina. Résultat, au bout de deux jours on me rossait et je me réveillais dans cet endroit et cette position sordides. Deuxième coup de bobine : aucun d'entre vous n'en a entendu parler je présume, puisque c'était un simple événement « régional ». Mais il y a quelques mois, avant que je rejoigne la L.O.S.P., j'ai posé le pied dans ce système moisi avec dans l'idée de m'y fixer pour affaires. Je me suis rapidement fait des contacts, évidemment parmi les plus louches. De fil en aiguille, je me suis mis au service du Blue Hand Gang, jusqu'à en faire la force dominante du système et les mener jusqu'à une expansion dans un autre. Bref, je m'étais fait un nom et du pognon, mais j'ai du partir précipitamment... pour des raisons qui me sont propres. Et me voilà maintenant, pendu par les pieds, devant la trogne de Liza Fenstein. Si un supplice m'est épargné, c'est que sa face parcheminée m'est moins insupportable à l'envers. La vieille sorcière, tout sourire édenté, sort un surin de sa poche tout en devisant.

« Il est temps pour nous d'avoir une petite discussion si vous le permettez. »

« Je suis tout à votre disposition, ma chère. »

« Oh je sais bien commandant. Je sais bien ».

Quelques années plus tôt, je me serai chié dessus devant ces yeux de fouine empreints d'un sadisme qui n'attend que de s'exprimer. Aujourd'hui, mon sphincter est beaucoup plus ferme. Par contre, ma vessie commence à être agitée de spasmes inquiétants.

« Alors, depuis quand êtes vous un agent infiltré ? » Ca c'est la meilleure. Voilà qu'elle m'insulte d'entrée de jeu.

« Vous devez faire erreur Liza. Ce n'est... WAEUUURHG !» J'ai l'impression qu'un parpaing brûlant vient d'être violemment inséré dans mon estomac. Avant que je ne réalise que je viens de me faire poignarder.

« Cela commence mal, commandant. J'aimerai savoir comment mon meilleur élément, mon pilote prodigue tombé du ciel, prêt à faire pleuvoir la mort sur nos ennemis, peut en réalité n'être qu'une petit mousse au service de la fédération, hmm ? Que vous ont-ils promis commandant, un susucre ? » Et la mégère de me larder la joue pour ponctuer sa phrase. Intérieurement je la remercie, la douleur est infime comparée au coup précédent.

« J'ai rejoint la Fédération il y a peu Liza... je n'avais... pas le choix... cerné... deux cents esclaves à bord... pour votre putain... de gang... de merde... vous ai pas vendu... seulement tourné la page... gentiment demandé... avec un laser sur la tempe... ».

« Alors c'est comme ça qu'ils fonctionnent ? Ils capturent un ennemi public régional, lui donnent une petite tape sur la joue et le renvoient dans l'espace avec une étiquette Mousse collée sur le frond ? C'est bien ce que vous voulez me faire avaler commandant ? »

« Tosakanth... ils veulent... Tosakanth... »

Pour celles et ceux qui ne seraient pas adeptes de la géographie des systèmes fédérés et de leur sphère d'influence, Tosakanth est le système le plus proche de Sak Kina. Celui où votre dévoué serviteur a fourré son nez, semé la pagaille, et favorisé l'installation du Blue Hand Gang. Ces deux systèmes sont voisins de Wolf 325, l'un des plus gros systèmes sous la coupe de la Fédération. C'est dans ce dernier que j'ai été arrêté, il y a quelques mois, par les forces de sécurité. Et tout ça au cours d'une banale mission de transport... mais bref, revenons à cette déplaisante situation. La cheffe de gang éclate de rire.

« Il est un peu tard pour cela ! Grâce à vous, nous sommes en position de force dans ce système... mais effectivement, j'ai noté une sévère érosion de notre influence ces derniers jours. Des collaborateurs qui ne collaborent plus. Des espions qui cessent d'espionner. Des rabatteurs qui sont rabattus. Cela ne me plait guère. Et cela va cesser aujourd'hui. » Je ne peux m'empêcher de rire. Et de dégueuler un peu de sang au passage, je me dois d'être honnête.

« Tu es... déjà foutue... connasse... »

« Répète moi ça, chiourme de rat ! »

« Foutue... » La douleur dans mon estomac a diminué. Comme Liza est une emmerdeuse finie, elle m'a surinée pile poil au niveau du dispositif de localisation que j'ai ingéré dès que j'ai sauté dans le système. Mais je viens de recevoir l'impulsion électrique de la personne qui est à l'autre bout.

« Savions que c'était trop long... de vous dégager... avons opté... décapitation.»

« Qu'est-ce que tu me chantes là espèce de... » Fenstein n'a pas le temps de terminer son invective. Les portes volent en éclat sous l'effet des charges à impulsion et des grenades étourdissantes sont lancées dans la décharge. Puis c'est le carnage. Les tirs sans sommation. Du sang. Partout. Liza est à terre, tétanisée par l'explosion des grenades, mais peut-être aussi par la violence de l'assaut mené par les troupes spéciales de la Fédération. Son monde s'écroule devant elle et je ne sais même pas si elle a les connexions neuronales suffisamment en place pour s'en rendre compte. Mais, comme une seconde plus tard, sa cervelle explose et se répand sur moi par longues giclées, je soupçonne que ça n'a plus grande importance.

« Cessez le feu ! Sécurisez le périmètre ! »

« Hé lieutenant regardez ! Les rats s'éliminaient entre eux faut croire... il en reste un. »

Le cerveau secoué par les chocs, la vision troublée par des bouts de cervelle, je vois le gradé s'approcher de moi.

« Je m'occupe personnellement de cette petite ordure soldat, continuez. »

J'aimerai ouvrir la bouche, mais je suis toujours paralysé. Je veux gueuler à la face de ce petit merdeux que je fais partie de la Fédération et qu'il devrait éviter de me saigner comme un animal, mais je ne peux pas. Je sens la panique monter, mes yeux sont à la limite d'être exorbités. Le lieutenant s'agenouille et s'approche de mon visage.

« Bonjour Major. La comédie doit continuer. Je vais vous injecter une dose de petite mort... le temps qu'on vous transfère à la morgue. J'ai un contact sur place qui vous chargera dans votre vaisseau et vous injectera l'antidote. Reposez-vous ensuite, car le prochain briefing est dans H24. Over ? »

Je le regarde fixement. Un petit merdeux certes, mais heureusement pour moi, un petit merdeux informé.

« Ah oui. Je comprends. »

Il sourit le fumier, il sait que je ne peux pas parler et que tout dépend de lui. « Bonne nuit commandant ». Je sens la piqure dans mon cou. Et puis plus rien.

Khwatka - Rushd Gateway / 06 Octobre 3303

La lucidité que je m'efforce d'avoir m'oblige à constater que je suis parfois une ordure. Oui, aussi surprenant que ça vous paraisse, ça m'arrive. Mais je n'étais jamais, JAMAIS tombé aussi bas dans la veulerie et l'ignominie.

Tout a commencé à Khwatka, l'un des rares systèmes sous notre contrôle qui peut se targuer d'être un minimum civilisé. A la base, j'étais venu dans la coin pour aider à la stabilisation du système. En effet, si nous claironnons qu'il est sous notre contrôle, sur le papier, ce sont plutôt nos « alliés » des Children of Raxxla qui mènent la danse dans le secteur. Le canal influomètre de mon récepteur m'a immédiatement indiqué à mon arrivée dans le système une demande de stabilisation de notre influence dans ce dernier. Alors moi, débrouillard comme je suis, j'ai stabilisé tout ça.

Je l'ai tellement bien stabilisé que, si des analystes en criminologie se cachent parmi vous, ils seront tout à fait intéressés par la courbe des meurtres d'un système voisin, du nom de Fengita. Cet endroit est l'équivalent d'une bourgade qui vivoterait à peine de sa production, et j'ai mis un temps fou à trouver quelques missions de livraisons de données, comme si personne n'en avait rien à foutre de ce système. Personne sauf mâdâââme ! Oui, j'ai nommé notre bien-aimée guide Annalise Bennet. A mon retour de ma première livraison (et avec des centaines de tonnes de spiritueux à bord : vous voyez que je prend soin du LOSP!) notre cheffe m'a déverouillé un canal de communication un peu particulier. Celui des opérations spéciales, comme je n'allais pas tarder à le découvrir.

J'ai reçu une demande pressante et fortement rémunérée pour un contrat dont la teneur me serait révélée à Fengita. Ni une, ni deux, plein d'esprit patriotique et me pourléchant quelque peu les babines à l'idée d'encaisser quelques jolies primes, j'ai foncé là-bas plein gaz.

Une fois sur place, on m'a tout d'abord gentiment fait comprendre que je m'étais engagé trop loin en avant dans cette mission et que toute désertion signifierait une haute trahison de ma part. Je n'ai pas eu le temps de dire quoi que ce soit que mon mystérieux interlocuteur me commandait l'assassinat de douze cibles dans le système. Douze cibles civiles.

Putain, les enfoirés !Je l'ai fait. Oui. Vous savez, au début, on a presque pitié. On les entend hurler dans le canal de communication direct : « NON, MA FEMME, MES GOSSES !! » ou encore « JE N'AI RIEN, JE VOUS JURE » !! et malgré tout, on appuie sur la détente. Comme un bon petit soldat. Le pire vient après le cinquième ou le sixième. Devant l'horreur de la situation, on devient le monstre qu'on est effectivement à ce moment précis. Je me suis pris au jeu de chronométrer quel laser était le plus efficace, etc... D'ajuster tel ou tel réglage. Tenez par exemple, zéro virgule cinq secondes : c'est le temps qu'il faut pour déchiqueter un Sidewinder avec son pilote à bord lorsqu'on a deux lasers et trois multi-canons.

A force de tuer sans but, je suis rentré dans une sorte d'état de transe meurtrière, et j'ai pourchassé inlassablement tout vaisseau qui pourrait dédouaner un minimum mon âme. Entre chaque civil massacré, un vaisseau recherché y passait. La mort d'un type pas plus fumier que moi en plus de celle d'un probable innocent. Tu parles d'un marché.

Rajoutez là dessus les chasseurs de primes qui se sont rués sur moi... parce que bien sûr, pendant que mâdâââme Annalisa Bennet est bien au chaud dans son bureau, il y a un couillon qui voit grimper les primes sur sa tronche à vue d'oeil. Et elles tiennent longtemps les coquines, au contraire de mon ex-femme.

Par contre, s'il y en a qui se sont bien touché la nouille, ce sont clairement les forces de l'ordre. J'étais conscient d'être dans un système à basse sécurité, vu le carnage que j'ai engendré... néanmoins la police n'a débarqué sur les lieux de mon forfait qu'une seule fois, c'est vous dire.

Alors maintenant je suis rentré. J'ai réalisé cette saloperie de mission. Mais ne comptez plus sur moi pour dézinguer des innocents dans votre jeu de billard à trois bandes, mâdâââme Annalisa Bennet. Trouvez vous un autre tocard, moi, j'en reste à la chasse à la prime honnête.

Et je fais définitivement une croix sur le paradis.

Jitabos - Finney Ring / 26 septembre 3303

« Qu'est-ce que c'est que ce cirque, commandant ? »

« Moi non plus je ne pige pas, je vais tenter un contact radio. » Je n'avais jamais vu une telle affluence autour de Finney Ring. Ni autour de n'importe quelle station d'ailleurs, mais ça c'est plutôt du à ma tendance à éviter les recoins les plus peuplés de la galaxie.

« Peut-être l'organisation d'un quelconque événement ? »

« J'en doute. La configuration des forces de sécurité est particulière dans ces moments là : présents, mais pas hargneux. Regardez les évoluer au milieu des vaisseaux... ils ont vraiment le doigt tout proche de la gachette. »

« Il y a beaucoup, beaucoup de monde commandant. » Ca ne sentait pas bon. Une petite explication était nécessaire avant de trop s'approcher.(édité)

« SN-1 à NAVCOM. Salut la bulle ! C'est quoi ce foutoir ? Over.»

« NAVCOM à SN-1. Bon retour parmi nous commandant. Ce sont des réfugiés qui affluent à la station. Je vous passe en demande d'appontage prioritaire, commandant. Over. »

« C'est fort aimable à vous NAVCOM, mais la guerre à Capura a si mal tourné que ça pour nous ? C'est étrange. Over. »

« De quoi parlez-vous SN-1 ? Over. »

« De tout ces pauvres gonzes qui se massent aux portes de la station, NAVCOM. On s'est pris une dérouillée ou quoi ? Over. »

« Vous n'êtes pas à la page SN-1. Toutes les stations de la région sont prises d'assaut. Les gens fuient les zones les plus proches des Thargoïds. Je vous ai dégagé une approche commandant, plate-forme 41. All clear and over.»

« Merci NAVCOM. Over. »

Je me tourne vers mon passager, qui présente des signes évidents de nervosité.

« Dites-moi, vous n'avez pas prévu un autre voyage juste après celui-ci ? Si vous êtes satisfait de mes services, je vous emmène où vous voulez. »

« Je vois ce que vous voulez dire commandant. Malheureusement j'ai un rapport à transmettre et des données à analyser. Certes, j'aimerai le faire ailleurs, mais je doute que votre vaisseau soit capable de transporter mon laboratoire. »

« Oh ce n'est pas un problème, je suis prêt à partir en Type-9. »

« Vous devez vraiment avoir envie d'aller le plus loin possible de ces insectes. ».

« Parce que ça vous en touche une sans bouger l'autre peut-être ? Ne me faites pas rire. »

« J'ai confiance en l'humanité commandant. »

« Je vous ai dit de ne pas me faire rire. »

« Ce que j'entends par là, c'est que je suis persuadé que nous serons à même de venir à bout de ces cafards. L'humanité est en train de s'unir, commandant. » Cette fois c'est plus fort que moi, j'éclate de rire.

« On vient de passer une semaine ensemble et c'est maintenant que vous me débitez votre stock de conneries ? Vous auriez pu vous retenir, nous sommes proches du hangar. » Je vois sa petite mine offusquée, mais baste, je continue.

« L'Empire et la Fédération se serrent la pogne pour des holo-images, et en même temps envoient leurs escadrons des services secrets torpiller des installations de l'autre faction. Pendant ce temps-là, Edmund Mahon se prend pour un prophète, mais il n'est pas le seul leader à tenir un discours dans le genre, loin de là. Ah et je ne vous parle pas des autres cinglés... merde !»

Un bref juron m'échappe. A force d'explorer, on en perd quelques automatismes d'appontage qui peuvent nous jouer des tours lorsque nous sommes de retour au bercail.

« Mes excuses. Tout ça pour vous dire que je n'ai aucun doute sur la capacité de destruction de l'humanité, mais je n'en ai pas trop non plus sur la capacité des thargoïdes à faire de même. Par contre, je ne sais rien des dissensions internes de ces bestioles, ni même si elles en sont capables... quoique ça me paraisse logique pour une espèce évoluée. Mais je suis certain que «l'humanité » comme vous dites est tout à fait apte à se mettre sur la gueule toute seule, pendant que les Thargoïdes nous regarderont et s'esclafferont – s'ils sont capables de se marrer – voilà ce que je crains ! »

« C'est un beau laïus commandant, mais que suggérez-vous face à ces bestioles ? »

« Se considérer « face » à cette espèce est déjà une manière de circoncir nos actions et réactions. Ce qui me paraît stupide, surtout face à l'inconnu. Maintenant, si vous le voulez bien, j'aimerai me concentrer pour terminer la manœuvre d'appontage et enfin me boire une bière. »

Praea Euq LC-V c2-2 / 18 septembre 3303

« Elle est magnifique ! » « Hmm ? ... »

Avalyn Burns m'ennuie. Elle est jeune, belle, fringante, naïve et passionnée par l'exploration. C'est comme ça qu'elle s'est présentée à moi : « je suis passionnée par l'exploration » ! Texto.

Névrosée, oui. Chaque putain de planète ou presque, elle veut la scanner. J'ai du batailler pendant des heures et des heures avant de lui faire entendre raison sur quelques points qu'elle a tendance à considérer comme futiles... le coût en carburant, évidemment ; le fait que j'ai autre chose à foutre, plus sûrement.

J'étais à la dèche lorsque j'ai récupéré la petite. J'ai longuement hésité face à son débit de paroles, mais qu'est-ce que mille cinq cent années lumières de nos jours ? En foirant pas trop ma navigation, en une journée c'était plié et adieu ma petite dame. Mais non, le piège. Un piège du niveau d'Hutton Orbital, c'est vous dire. Vous pouvez me croire, j'y ai été. Et blabla que chaque astre a son importance, blablabla des relevés scientifiques et n'oublions pas blablabla progrès de l'humanité. Pendant ce temps là, moi, je consomme. Et pire, j'écoute. Mais il y a toujours des mots ou des phrases qui me font tendre l'oreille avec une attention un peu plus soutenue.

« Elle est probablement terraformable ; son atmosphère est dense ». « Possible. Très carbonée aussi à vue de nez. Nous sommes à la bordure de viabilité par rapport à son étoile, je lance une analyse. »

La gamine se ronge les ongles. L'anxiété de la découverte, je suppose. En ce qui me concerne, je soupire intérieurement. Je joue mon rôle de vieux baroudeur de l'espace, mais je dois bien reconnaître qu'on en voit pas dans chaque système, des planètes comme celle-là. « Que donne l'analyse commandant ? » « 92% de dioxyde de carbone, 6% d'azote et 1% de dioxyde de souffre, principalement. »

  • « Quelles couleurs... » « Vous passez de la composition atmosphérique à la composition du tableau, vous êtes une marrante. » « L'idée même de poésie ne vous a jamais effleuré, commandant ? N'utilisez vous vos instruments que pour détecter des primes sur la tête d'un pauvre bougre que vous tuerez par la suite ?!» « Je ne suis pas un chasseur de primes jeune fille, mais je sais qu'on en a rarement une au dessus de la tête lorsqu'on est un enfant de choeur ». « Un quoi ? » « Rien, une vieille expression de Sol. » « Et bien dites moi, 'vieil homme', quoi d'autre à son sujet ?! » « Plus de deux masses terrestres, et 1,6G. L'extraction de minerai ne sera pas un plaisir. » « Toujours aussi poète... » « J'ai gardé le meilleur vers pour la fin... » « Tout ce que je vois c'est une planète magnifique et apte à la terraformation commandant... voilà de quoi terminer ma thèse avec succès ! » « Allons, vous qui étiez jusque là animée de si pures intentions... » « Je compte devenir docteur, commandant. Je ne souhaite pas naviguer dans des rafiots puants jusqu'à la fin de mes jours. » « Vous dites ça, mais vous aimez l'espace, je le sens. Concernant l'odeur, et bien vous y participez pour moitié. Enfin, on ne saurait qualifier mon « Ann Ross » de vieux rafiot. » « Qui était Ann Ross ? » « Peu importe... mon Galnet vient de terminer le poème ! » « Vous voilà bien enjoué. Des explications ? » « J'ai touché le pactole grâce à vous ma jolie ! Mon analyseur de marché est formel. » « Je croyais que ce genre de joujou était interdit... » « Tout à fait, ce qui n'empêche pas le tiers des pilotes indépendants de la galaxie d'en posséder un. » « Vous auriez pu me prévenir... c'est illégal... » « Vous auriez du prendre une ligne régulière jusqu'à votre destination, je suis sûr qu'il y en aura d'ici deux ou trois cent ans. De plus, vous avez sans doute remarqué l'absence de stations ou d'aéronefs depuis hier. Nous sommes sortis de la bulle, personne ne viendra nous emmerder, je vous le garantis. » Un frisson parcourut la jeune fille. Peut-être comprit-elle à ce moment là qu'elle était coincée dans un 'vieux rafiot' avec un bonhomme légèrement trop patibulaire à son goût ; qui plus est responsable de la moitié des eflluves corporels qui stagnaient dans l'enceinte confinée de l'ASP Explorer.

« T'inquiètes pas. Je sais ce que tu ressens, mais ce n'est même pas lié à moi. C'est juste... le vide. Tu t'y feras, je le sais. Je le sens. Tu n'es pas faite pour être une rampante, tu t'en rendras vite compte. En tout cas je te garde avec moi et je te demande d'ouvrir l'oeil sur les instruments d'analyse, tu es nommée co-pilote. » « C'est de vous voir si enjoué, encore une fois, qui m'effraie. » « Ta planète, c'est 450,000 crédits pour moi à mon retour. Si tu peux m'en trouver d'autres comme ça, on sera tous les deux gagnants ! » « Vous êtes... je... je ne sais pas. » « Je suis un poète, on ne parle juste pas la même langue. » « Vous rêvez ! » « Non c'est toi qui doit déchanter... nous sommes les deux faces du même crédit galactique. Toi et moi on ouvre la voie pour l'alliance du Cargo et de la Nano, le commerce et la science. » « C'est mieux comme ça... vous savez vous présenter sous de beaux atours. » « Toi et moi on ouvre la voie pour eux, et lorsqu'ils seront installés et qu'ils commenceront à façonner ou détruire ce monde sous le signe du Cargo et du Nano, alors nous n'aurons plus d'autre choix que d'ouvrir une nouvelle voie... et encore... et encore... »

Les deux compères restèrent silencieux un long moment.

Jitabos - Finney Ring / 15 septembre 3303

Rubin Harrington est le genre de type qui ne fait pas plaisir à voir. Sa tronche est antipathique, son attitude est antipathique et même son fric, par une magie prodigieuse que je ne saurais expliquer, m'est presque antipathique.

Mais c'est devant ce type qu'on m'a placé. Ah, je t'en foutrais du “nous accueillons tous les pilotes libres de la galaxie et nous les respectons pour ça !”. Deux jours que je suis là, et un holo-message me prie gentiment de rappliquer fissa à Finney Ring. A ce qu'il parait, la patronne a lancé une salve d'ordres, et je me suis pris une balle perdue.

Richard, mon contact sur place, m'a expliqué avec sérieux et affabilité que ma présence n'était plus souhaitée auprès des agences commerciales liées au LOSP. Alors que je m'étranglais d'indignation, il est rentré plus en avant dans les confidences :

“Nous lançons une opération monsieur. Nous avons besoin de nos pilotes au profil... commercial... pour favoriser l'émergence d'une bande d'ordures fascisantes.” “Richard, je n'étais pas habitué à un pareil langage de ta part !” “Il y a des choses qui ne s'oublient pas, monsieur.” “Je vois. Ou pas. Excuse-moi.” “Ce n'est rien monsieur.” “Ce que je ne pige pas... c'est le pourquoi de la chose. Vous voulez leur attirer le mauvais oeil ou quoi ? “Nul besoin, l'oeil d'Horus est déjà sur eux.” “Qu'est-ce que tu me chantes, là ?” “Peu importe. Nous voulons qu'ils gonflent, qu'ils enflent leurs poches et leur égo jusqu'à ce qu'il déborde ou qu'ils en crèvent. Nous les voulons confiants et bêtes.” “En somme, on construit leur escalier vers la gloire, et on retire la dernière marche au dernier moment, c'est ça ?” “Loués soient les astres monsieur, vous n'êtes pas aussi bête que vous le paraissez.”(édité) Voilà ce qui m'a amené devant l'autre escogriffe, Rubin de son prénom, encore que rupin me paraisse plus adapté. Mais c'est une opinion que je cache à mon interlocuteur. Diplomatie oblige. Je suis un fin rusé, moi !

“Vos références sont contradictoires. Certains louent votre professionnalisme mais n'ont pas de pire mots concernant votre personne. D'autres vous ont trouvé un peu... amateur, mais vous apprécient.” “Vous avez du parler à mon ex-femme, puis à mes clients.”

Vu le regard qu'il me lance, j'en déduis que l'humour n'est pas son point fort. Je suis fin psychologue, aussi. Physionomiste même !

-“A mon avis, vous avez en vous le parfait cocktail d'arrivisme, de veulerie, de lâcheté et d'appât du gain pour faire un bon contrebandier. Vous aimez la contrebande, commandant ?” “L'aimer non. La maîtriser oui. Mieux, en tout cas, que vos larbins qui vous ramènent ces spiritueux dégueulasses. Sans vouloir vous offenser.” “Je ne serai pas offensé si vous poursuivez en me présentant votre offre commerciale.” “Vous parlez comme un corporatiste.” “Allons, allons. Vous me flattez.”

Je pose mon verre. Dégueulasse comme breuvage, certes, mais je ne refuse pas un cadeau.

“Je veux bien transporter vos guignols, et ménager un petit espace de soute disons... pour les bagages fragiles. Bibelots, souvenirs exotiques... la douane du L.O.S.P. Me connait, aucun risque à ce niveau.” “Je vois. Cela ressemble à un accord. Mais... pourquoi risquer votre réputation auprès d'un groupe qui vous accorde des facilités de douane ?” “Excusez-moi, mais je croyais qu'on avait parlé d'un bon montant de pognon avant toute discussion...”

Rubin marque une pause et, pour la première fois depuis que je le vois, esquisse un sourire. Un ignoble rictus, aussi pourri que son âme, qui dévoile une personnalité exclusivement carnivore. Si ce n'est nécrophage.

“Je tenais juste à vérifier à qui j'avais affaire. Me voilà rassuré. Vos coordonnées de vol seront transmises à la réception, comme pour un contrat des plus classiques. Au revoir commandant, et bon vol.”

Ca y est, il est ferré.

HR 6958 - Flynn Colony / 14 septembre 3303

Les images tournent en boucle sur les écrans de la cantina. Des rangées de chasseurs lourdement armés sont descendus un par un par les forces de sécurité du LOSP, menées par un de leurs escadrons d'élite. C'est une bataille âpre tout de même : pour preuve, la destruction d'une corvette flambant neuve, évènement marquant du début des hostilités. Un des fleurons des forces de défense du système, explose sous les tirs ennemis. Le pilote rescapé a déclaré aux journalistes, après un check-up de routine : “c'est mon foutu PC qui a freezé”.

Je regarde ça avec un mélange de fierté. Je fais partie des couillons qui ont remporté la mise, et haut la main. Ce fut un massacre dans les rangs du gang, mais également dans leurs lignes de comptes. Je regardais alternativement le chiffre sur mon compte en banque sur mon ordinateur de poignet, et mon Dolphin flambant neuf par la vitre de la cantina. 8 millions de crédit en quelques heures. La guerre, mes amis, est une chose fantastique lorsque l'on sait nager à travers ses remous. Hier encore, la responsible locale du LOSP haussait les sourcils en me voyant arriver. Vingt pour cent de commission plus tard, la voilà qui me fait la bise et me donne du “cher ami”. Les choses sont simples ici : si tu fais du pognon et que ça profite au LOSP, alors bienvenue.

Un type se dirige vers moi, l'air nerveux. Je flaire le desespéré et – par extension – les crédits faciles. D'un mouvement de visage, je lui indique la chaise en face de moi. Le zig n'y va pas par quatre chemins :

“Je dois fuir. Maintenant. Je ne connais pas encore la direction, mais si vous m'emmenez à plus de cent années lumière d'ici, je vous fournirai de quoi prendre votre retraite. “Et pourtant l'ami, c'est toi qui fait retraite... tu fais partie de ces mafieux qui se font descendre à la téloche ? Tu dois filer parce que ça sent mauvais pour toi ? Te bile pas. Je comprends et je compatis, mais ça te coûtera 4 millions de crédits. “En temps normal je t'aurai descendu pour ça, mais je n'ai pas le choix. Je dois partir et transmettre ces données au plus vite aux pilotes éparpillés en dehors du système.” “Cinq millions. Départ garanti dans cinq minutes.” “Enfoiré... je vous suis”.

Suite à cette courte conversation, j'ai pris la décision de décoller avec un ennemi du LOSP à mon bord. Il était temps pour moi de faire un choix. J'ai toujours été un enfoiré vous savez. Relativement honnête d'accord, mais ça n'empêche pas d'être un salaud. On peut par exemple arriver dans les six heures d'un voyageur et lui dire “je vais te buter, raclure !”. C'est salaud. Mais honnête. Enfin je m'égare... je suis donc en face d'un choix cornélien... Je rumine quelques minutes, le temps pour nous de décoller de la station et de parcourir quelques milliers de kilomètres. Puis je me décide. Je ne serai plus un salopard. A partir de maintenant, je resterai un gars honnête, qui fait corps (mais pas trop proche hein) avec sa troupe. Je suis un LOSP bordel. Je suis un LOSP et pas la petite enflure que j'étais. Je ne vous trahirai pas, j'agirai avec discernement et humanité.

Je prends la radio :

“Hé l'ami ! Tu me reçois ?” “Cinq sur cinq.” “Tu peux vérifier sous ta banquette en cuir s'il reste bien un masque à oxygène ?”

J'entends de la friture pendant quelques secondes.

“Négatif, vous auriez pu y penser.” “Je suis en tête-en-l'air, c'est comme ça. Nous allons subir une petite dépressurisation, l'ami, comptez dix minutes sans oxygène.” “Quoi ?! Que dites-vous ?!” “Tu m'as compris l'ami. T'en fais pas va, tu vas être complètement perché avant de passer l'arme à gauche, on a connu plus sale comme mort.” “Espèce de...”

Et je coupe la radio, parce qu'après c'est toujours les même blablabla... ça peut même devenir desagréable, si l'autre se met à pleurer. Quoiqu'il en soit, je suis soulagé.

Aujourd'hui, je sais que je suis quelqu'un de bien.

Jitabos – Finney Ring / 13 septembre 3303

"Crénom de nom, vous les avez recruté où, vos agents de sécurité ?! "

L'employé du guichet, imperturbable, se contenta de répondre laconiquement à votre serviteur :

  • "Tous nos agents des forces de l'ordre sont dument assermentés, monsieur. Nous vous invitons à remplir un formulaire de réclamation pour toute contestation d'une action des forces de l'ordre, monsieur."
  • "Je conteste rien d'autre que leur pilotage ! Votre pilote m'analyse en dérapage à dix mètres de mon vaisseau, on a bien failli se télescoper !"
  • "Mais ce n'est pas arrivé, monsieur."
  • "..."
  • " Autre chose, monsieur ?"
  • "Oui, si tu peux aller te... si tu peux m'indiquer le bureau de supervision des activités touristiques ?"
  • "Nous avons une division commerciale et une division d'exploration, monsieur."
  • "Justement, le tourisme, ça mèle les deux. Tu le saurais si tu n'étais pas vissé à ta chaise toute la journée."
  • "Je suis navré de désappointer monsieur, mais je n'ai pas de plus amples informations à ma disposition."

Là, j'avoue, je l'ai eu mauvaise. D'un coup, je suis devenu furibard.

  • "BORD... Tu te fous de moi, lampiste ?! Je me BARRE de ce tas de ferraille ! Un tel amateurisme et une telle désinvolture, c'est une honte de nos jours !"

J'ai replié ma cape synthétique en ultime pied-de-nez, avant de faire volte-face. Quelques secondes plus tard, l'employé face-de-pet me rattrapait.

  • "Monsieur ! Monsieur ! ..."

Je me suis retourné, l'air aussi menaçant et grognon que possible. Au naturel, quoi.

  • "Hé quoi, mouche à merde ! Tu veux porter plainte, c'est ça !"
  • "Non monsieur. Vous avez oublié votre portefeuille monsieur, ainsi que les holo-clefs de votre vaisseau."
  • "Que... je..."
  • "Certains pourraient le prendre pour une marque d'amateurisme, monsieur."

Je ne sais pas quelle tronche j'ai tiré à ce moment-là, mais il a reculé de façon très perceptible.

  • "C'est quoi ton nom ?"
  • "Richard, monsieur."

J'ai fondu sur lui à la vitesse de l'éclair, ne lui laissant aucun échappatoire pour l'immense calin que je lui fis.

  • "Sacré Richard ! Merci l'ami ! Viens donc avec moi boire un canon immédiatement. Vous êtes une belle bande de tête-en-l'air mais je suis pas mieux loti, et le moins qu'on puisse dire c'est qu'on partage un même penchant pour l'honnêteté !"
  • "Merci monsieur. Je dois néanmoins retourner travailler monsieur."
  • "Allons allons, tu feras des manières plus tard ! Et appelle moi Snarkk; ou commandant, si t'es vraiment porté sur les titres."
  • "Bien monsieur."
  • "Richard !"...